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Retour en Mauritanie

| Publié le 5 février 2014
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Beaucoup avaient rêvé de la voir. L’ancienne cité caravanière de Oualata, au sud-est de la Mauritanie près de la frontière malienne, nourrit volontiers l’imaginaire avec ses maisons décorées de fresques, ses lourdes portes en bois ouvragé et son air de princesse endormie sur fond de grand désert.

Maisons de OuaLata

Maisons de OuaLata

En janvier dernier, cette bourgade lointaine et comme oubliée de la région du Hodh Charghi s’est réveillée en reine du Festival des villes anciennes, un événement organisé chaque année par le ministère mauritanien de la Culture. Drapées d’une distinction par l’Unesco au patrimoine mondial de l’Humanité, les quatre villes médiévales de la Mauritanie – Oualata, Tichitt, Chinguetti et Ouadane – accueillent alternativement les festivités, permettant ainsi au monde de découvrir leur beauté saisissante et leur riche passé de villes-étapes sur le chemin des caravanes transsahariennes.

Pour l’occasion, le gouvernement mauritanien a voulu frapper un grand coup et s’est allié à des voyagistes français pour convier à la fête, à Oualata, quelque 200 visiteurs étrangers. Arrivés par deux vols spéciaux depuis Paris jusqu’à Nema, à trois heures de piste en 4×4 de Oualata, les participants français ont ainsi affiché leur confiance à l’égard des autorités du pays pour assurer leur sécurité. Cette initiative était destinée à montrer qu’un retour des touristes en Mauritanie pouvait être envisagé.


Vidéo du 4° festival des villes anciennes à Oualata, Mauritanie réalisée par Pat Marcel.

Un pays très attachant

La Mauritanie a fait le bonheur des touristes sahariens des années durant grâce à des vols affrétés par la coopérative de voyages Point-Afrique depuis la France jusqu’à Atar, dans l’Adrar, à quelques tours de roue en 4×4 du premier bivouac dans les dunes. A l’époque la plus faste, en 2006 et 2007, des régions comme l’Adrar, au coeur du pays, accueillaient chaque année plusieurs dizaines de milliers de touristes par an. La beauté des paysages, l’hospitalité et la qualité des échanges avec les habitants et des guides mauritaniens d’exception, l’architecture et le patrimoine historique de villes anciennes comme Chinguetti et Ouadane qui abritent des manuscrits parfois millénaires, la mémoire de Théodore Monod qui a maintes fois arpenté le désert mauritanien, tout concourt à créer un attachement singulier et pérenne des voyageurs à ce pays. Certains se sont même installés à Chinguetti, avant d’être fermement « invités » à partir par le gouvernement français.

Adrar Mauritanie

Depuis 2008, une grande partie du pays est désigné comme « zone rouge » par le ministère français des Affaires étrangères, à savoir formellement déconseillé aux voyageurs.

Un brutal arrêt aux lourdes conséquences

Entre décembre 2007 et fin 2009, une série d’attentats et d’assassinats perpétrés en Mauritanie et impliquant des djihadistes et notamment AQMI (Al Qaeda au Maghreb islamique) ont mis fin tout à la fois au rallye Paris-Dakar et au tourisme. Les vols de Point-Afrique ont pourtant continué avant d’être finalement interrompus en 2011…
Cette démission, tout comme l’arrêt concomitant d’autres charters desservant le nord du Niger, le sud algérien et le Mali, Maurice Freund ne l’a pas digérée. Le fondateur de Point Afrique a toujours été convaincu que le tourisme dans les régions enclavées du Sahel est une parade efficace contre l’endoctrinement islamiste, qui conquiert les esprits sur le lit de la pauvreté. L’activité touristique telle que la conçoivent Point Afrique et ses partenaires d’agences de voyages bénéficie directement aux populations. Chameliers, guides, cuisiniers, commerçants, aubergistes, tous les intervenants sont locaux. Peu à peu, les retombées du tourisme s’étaient notamment traduites par un accroissement de population dans les villes anciennes comme Chinguetti dont l’éloignement de la capitale et l’environnement désertique avaient auparavant découragé nombre d’habitants.

Le tourisme avait fait émerger des coopératives de femmes pour l’artisanat et une véritable économie locale s’était constituée au fil des ans.

Cet essor a brutalement cessé quand le couperet de la « zone rouge » est tombé. La région de l’Adrar a renoué avec l’exode et l’absence de ressources, exceptée la culture très saisonnière des dattes dans les oasis. “La situation dans ce grand arc sahélo-saharien devient chaque jour de plus en plus dramatique, expliquait récemment Maurice Freund dans une lettre ouverte aux sympathisants de Point Afrique. “Nos amis là-bas et nous ici, nous souffrons de ne rien pouvoir faire car toutes les destinations sur cette zone de l’Afrique sont aujourd’hui fermées pour cause d’insécurité“.

Les choses ont pourtant changé depuis la désignation en zone rouge d’une partie de la Mauritanie. Le gouvernement mauritanien a pris des mesures drastiques pour sécuriser son territoire, et figure parmi les pays du Sahel les plus actifs et efficaces dans la lutte contre le terrorisme. De surcroît, l’Adrar, écrin de dunes et de roches, est ceinturé d’un cirque de montagnes qui rendent son accès difficile et tout nouvel arrivant identifiable. Mais surtout, plaide Khadijetou Mint Doua, la directrice de l’office du tourisme mauritanien, « la population est sensibilisée et n’accepte en aucune façon la présence d’extrémistes ». Les Mauritaniens pratiquent majoritairement un islam tolérant et ouvert.

“Je viens de terminer une très longue expédition chamelière au nord et à l’est d’Atar (860 km) sans un seul problème, explique Thierry Ghabidine Tillet, un archéologue français de retour d’une mission de trois mois. « Je certifie que les autorités mauritaniennes maîtrisent parfaitement les conditions sécuritaires dans le pays. Je ne peux qu’encourager tous ceux qui aimeraient connaître ce merveilleux pays à venir. Toutes les autorités militaires et administratives que j’ai rencontrées à Nouakchott, à Atar, à Zouérate m’ont affirmé qu’il n’y avait pas de problèmes sécuritaires dans l’Adrar. Le tourisme est d’une importance considérable pour la Mauritanie ». Le scientifique ajoute avoir croisé des touristes australiens, allemands ou américains, témoignant ainsi que la « zone rouge » ne semble pas être un mot d’ordre dans de nombreux pays occidentaux.

Les dés sont lancés

« Nous revenons », a donc annoncé Maurice Freund sur une page Facebook dédiée. « Nous sommes fiers après ces mois d’absence de revenir dans ce pays en répondant à l’appel pressant de nos amis maures. Nous ne les laisserons pas tomber… » Plusieurs agences de voyages se sont engagées aux côtés de Point Afrique qui va affréter, dès le 16 février et jusqu’au 16 mars, plusieurs vols vers Atar. A la descente de l’avion, des 4×4 ou des chameaux attendront les touristes pour un séjour d’une à deux semaines dans les dunes, les palmeraies et les cités historiques de l’Adrar. Ou tout simplement pour quelques jours de bien-être à Chinguetti, dans le patio ombragé d’une maison en pierres roses, entre une visite aux bibliothèques de manuscrits et le thé de l’amitié. Comme avant.

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Par Sabine Grandadam

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