Fairbnb, alternative éthique à Airbnb !
Las des mastodontes du tourisme en ligne qui cannibalisent le marché avant de rapatrier leurs trésors à la « maison », de nouvelles initiatives apparaissent ça et là pour mettre un peu de sens et d’éthique au cœur du monde du tourisme. Depuis quelques années, Fairbooking est ainsi venu taquiner Booking, le géant de la réservation d’hébergements en ligne, en proposant des offres moins commissionnées et plus transparentes. D’ici quelques mois, ce sera au tour de fairbnb de venir proposer une alternative à Airbnb, avec une version test lancée en mai prochain dans cinq villes européennes : Amsterdam, Barcelone, Bologne, Valence et Venise.
Changement d’Air ?
Non, Airbnb n’est pas mort, on peut même dire que la plateforme de location en ligne se porte bien. En revanche, elle entraîne de plus en plus dans son sillage un ensemble de questions épineuses tant son succès fulgurant a fini par bousculer toutes les règles du jeu. Et des reproches, on peut lui en faire : marché locatif des villes saturés, inflation des prix de l’immobilier qui laisse de côté les petits budgets, phénomènes de gentrification, évasion fiscale, concurrence déloyales avec les hébergeurs classiques, incidence directe sur l’emploi dans le tourisme. Depuis quelques années, chaque ville essaie de trouver des solutions pour endiguer le phénomène, remettre un peu d’équité. Taxes, quotas, contrôles, de nombreuses mesures ont d’ores et déjà été prises dans divers endroits pour limiter la propagation du géant. Toutefois, peu avait encore été tenté pour prendre le problème à l’envers, soit concrètement : proposer des solutions alternatives que beaucoup appellent déjà depuis des années.
Changer de lunette pour changer de regard ?
Il y a déjà presque trois ans, nous citions sur ce même portail un entretien paru dans Le Monde donné en 2015 par Michel Bauwens, ancien chef d’entreprise devenu connu depuis pour avoir fondé la P2P Foundation. Il précisait alors : « L’« économie de partage » que j’appelle « pair-à-pair », où les individus s’auto-organisent pour créer un bien commun, a un potentiel émancipatoire important. Mais Uber (ici Airbnb !) ne relève pas de cette « économie collaborative » ou « de partage ». (…) Cela entraîne des déséquilibres, et avec eux la précarité. Quand Uber (ici Airbnb toujours) s’installe à Paris, les profits vont à ses actionnaires de la Silicon Valley. Ces entreprises sont compétitives car elles concurrencent les hôteliers et les taxis en parasitant l’infrastructure déjà existante. Elles n’ont pas à investir dans la construction d’automobiles ou d’hôtels. Cela leur donne un énorme avantage car elles captent une plus-value du fait de cette efficacité. Il y a là un vrai danger, en raison de la façon dont ce phénomène est encadré…. » Michel Bauwens en appelait alors à créer des coopératives de données, des plateformes collectivistes, où chacun serait propriétaire ou copropriétaire de ses données et du revenu qu’elles génèrent.
Et Fairbnb fut !
Quelques années ont passé et notre homme a été entendu. En sus des nombreux effets pervers déjà cités, nombre de chercheurs, observateurs, urbanistes, etc., ont fini par se rallier à ce même constat, en sus, ces plateformes n’ont pas non plus d’impact positif sur les destinations concernées ni sur leurs habitants. Alors, peu à peu, des idées ont émergé, des initiatives visant à changer la donne, à proposer des alternatives plus éthiques et plus constructives pour les quartiers et leurs habitants. A Marseille, dans cette mouvance, la coopérative Les Oiseaux de passage privilégie les liens entre touristes et locaux. Elle doit lancer sa plateforme très prochainement. Fairbnb, dont le siège est à Bologne, est également issue de cette mouvance, avec comme objectif de reverser 50% des bénéfices touristiques à la collectivité ou au voisinage pour des projets communautaires ou solidaires. Et si le fonctionnement précis de la plateforme est encore en discussion, il est prévu qu’elle soit détenue et cogérée par ses membres et cette dernière promet d’être transparente sur ses revenus, de travailler en collaboration avec les autorités pour éviter la fraude fiscale et de limiter la location à un ou deux biens par personne. On est typiquement là dans le modèle P2P défini par Michel Bauwer, qui repose sur « des communautés de contributeurs qui cherchent avant tout à créer du commun sans se soucier, à priori, du profit qui pourra en être dégagé. Ces communautés produisent des ressources qu’elles partagent pour répondre à leurs besoins avant tout, sans pour autant renier toute forme de profit. Le profit peut en être une résultante mais pas l’objectif et quand il survient, il bénéficie aux contributeurs ».
Décollage imminent !
Il sera donc intéressant de suivre de près le lancement de fair (« Ethique ») Bnb. Déjà, les initiateurs du projet promettent d’être vigilants en faisant en sorte que chaque hôte ne dispose que d’un seul logement par exemple, mais aussi en impliquant des villages ou des lieux moins visités pour répartir les masses voyageuses dans des régions moins fréquentées. » L’idée est de fédérer sur notre plateforme des initiatives locales déjà existantes qui promeuvent le tourisme durable« , explique notamment Carlo Pesso, l’un des fondateurs du projet. L’idée est aussi de remettre au cœur du processus les habitants, des projets de quartier, d’aider au développement durable des territoires, bref, redonner au tourisme des leviers pour être un acteur du développement local. Un tourisme plus uniquement créateur de richesses mais aussi de liens, de réseaux, de solidarités, de connaissance. Changeons d’Air !
————– Aller plus loin————-
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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