Femmes courage de Djibouti
Elles sont vaillantes et volontaires, engagées et essentielles, menant un combat pour les femmes, pour les jeunes, pour tout un pays qui a aussi sa part d’ombre. Masso, Mouna, Fatma, trois femmes courages qui se battent dignement pour des causes trop souvent oubliées. Rencontre et portraits croisés.
Les combats de Masso Houmed
Cette magnifique jeune femme afar originaire de Tadjourah n’a pas 26 ans et déjà un parcours impressionnant. Depuis 2008, elle est présidente de l’association d’artisanat des femmes d’Ardo (Bankoualé). Crée en 1999, cette association qui rassemble 200 femmes vise à soutenir l’artisanat local et à aider ces femmes à s’organiser en coopérative. Sur place, de nombreux objets en vanneries et perles sont produits. Masso organise des marchés et foires artisanales pour les aider à vendre leurs produits. Les femmes fixent leur prix, récupèrent 80 % de la somme et les 20 % restant vont à l’association. Masso : De nombreux projets sont en cours. En ce moment, j’essaie aussi d’accompagner les femmes pour qu’elle innove et trouve de nouveaux modèles pour varier un peu de l’artisanat classique. Parfois, ce sont même les touristes qui nous donnent les modèles. Nous faisons beaucoup de promotion auprès des campements pour faire connaitre cet artisanat. Pendant la haute saison, les femmes peuvent gagner jusqu’à 50 € par mois grâce à leur travail, c’est un bon complément de revenus pour elles. » Au-delà de ces engagements bénévoles, Masso travaille aussi depuis 2011 au Ministère de la Promotion de la Femme et est devenu présidente de l’ICCEP*, lnitiative Citoyenne Contre l’Exclusion et la Précarité. A ce titre, elle réalise également un important travail pour aider à l’alphabétisation des femmes mais aussi, avec d’autres organisations associatives, tente de promouvoir et de développer le tourisme intégré. Elle a aussi pour projet de trouver un local pour aider à l’alphabétisation des enfants. Impressionnante Masso.
Masso : La création de l’ICCEP (Initiative Citoyenne Contre l’Exclusion et la Précarité) fait suite à une action de solidarité menée par un groupement d’association dans les régions rurales reculées de Tadjourah. Cette action « Caravane de l’espoir » a permis de venir en aide à une population démunie mais surtout de découvrir et de constater l’ampleur et la gravité de la situation sociale dans ces régions où les populations manquent de tout (problème d’eau, absence de service de base, insécurité alimentaire, perte de ressource naturelle, extrême pauvreté…). L »idée d’une association qui dépasse le cadre du petit village d’Ardo m’est alors venu. L’ICCEP fut alors fondée pour aider ces populations à sortir de l’obscurantisme et de la situation de stress dans lesquelles elles se trouvent.
Il s’agit pour les membres fondateurs de contribuer à la renaissance de ces régions et d’améliorer le cadre de vie des populations qui y vivent par l’implantation des services de base (Eau, Education, Santé…) par la création des activités économiques et notamment celles favorisant la sécurité alimentaire. »
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Fatma Ali Chireh et Mouna Ahmed Iltireh
Mouna et Fatma sont volontaires et bénévoles à l’ADEPF, Association Djiboutienne pour l’Equilibre et la Promotion de la Famille. Cette association a notamment mis en place une cellule d’écoute libre, anonyme et gratuite pour aider les jeunes Djiboutiens et Djiboutiennes à parler librement et en toute confiance de leur quotidien et le plus souvent, de leur sexualité. Une première à Djibouti. Grâce à des permanences régulières, les jeunes peuvent à tout moment être reçu par un médecin, une sage femme ou accompagnateur psycho-social et cela gratuitement.
Mouna et Fatma, qui sont respectivement sociologue-professeur au CFPEN et sage femme sont toute les deux très engagées dans la lutte contre l’infibulation, la précarité, vulnérabilité des jeunes, le VIH. Leur engagement auprès des jeunes se traduit par un soutien psychologique en les aidant à trouver des réponses à leur questionnements, en les guidant et les orientant sur les moyens de contraception possible. Elles n’hésitent pas à aborder de nombreuses questions encore tabous dans les familles comme la sexualité. En outre, l’association travaille avec les institutions étatiques et tout un réseau de partenaires sociaux, associatifs dans le but de faire avancer les choses à Djibouti.
Mouna : « Nous sensibilisons les jeunes au VIH car ici, beaucoup de jeunes ne se protègent pas et ont des comportements à risque. »
Fatma : « Les femmes Djiboutiennes sont encore l’objet de nombreuses mutilations génitales. En ville, on pratique surtout le sunna, l’excision du capuchon avec ou sans l’excision totale ou partielle du clitoris. Tout cela grâce à la mobilisation générale des associations nationales et l’implication des leaders politique. En revanche, dans les villages les plus reculés et chez les nomades, l’excision totale du clitoris est encore régulièrement pratiquée, voire l’infibulation (excision de la totalité ou d’une partie de l’appareil génital externe et suture de l’ouverture vaginale). Parfois, les coutures sont encore faites à l’aide de branches d’acacias, je vous laisse imaginer les infections qui s’en suivent. »
Mouna : « Notre association est affiliée à la Fédération Internationale de Planning Familiale (IPPF). L’IPPF la subventionne en lui fournissant en plus de l’aide financière, des formations en direction des volontaires et du staff en matière de renforcement de capacité, etc. D’autres bailleurs tels l’Union Européenne, AGFUND (Arab Gulf Fund for United Nations) financent également des projets portant sur la promotion de droits des femmes à Djibouti. Ces projets nous tiennent à cœur dans la mesure où nous devons combattre sans relâche les préjugés, les violences faites aux femmes (violence physique, excision, exploitation sexuelle etc… ) qui sont malheureusement le triste quotidien de beaucoup de femmes.
Mais avec la diminution de plus en plus drastique des aides, les associations sont tenues de mobiliser les fonds nécessaires à la réalisation des projets et ainsi pouvoir atteindre leurs objectifs. Celle-ci n’est pas chose aisée et les besoins sont tellement énormes …Si nous arrivons tant bien que mal à faire bouger les choses, à bousculer les mentalités au niveau de la capitale, nous avons du mal à atteindre les régions les plus reculées afin de porter nos messages à ces femmes qui ont en grandement besoin ».
Fatma : « L’excision, l’infibulation sont interdits par l’Etat mais il ne peut rien contre le poids de la tradition. A Djibouti, c’est paradoxal car d’un côté la sexualité est très libre mais de l’autre, il y a encore beaucoup de tabous dans les familles. »
Mouna : « Pour casser un peu l’image traditionnelle de la femme, nous venons de monter avec un collectif de femmes le magazine Marwo, qui a pour objectif d’aborder plus librement certains sujets jusqu’alors non traités dans la presse. » « À travers ce magazine, nous avons voulu donner aux femmes, une tribune afin de leur permettre de s’exprimer, de partager leur vécu mais surtout dénoncer les injustices qu’elles subissent à tous les niveaux !! »
Masso, Mouna, Fatma, trois femmes attachantes et passionnés. Merci à elles.
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Coopérative Artisanale des Femmes d’Ardo : 77 83 64 77
ADEPF : Ouvert aux jeunes de 16 à 26 ans, l’ADEPF propose donc une cellule d’écoute, de conseils, d’accompagnement des jeunes et de leur famille. Santé, scolarité, sexualité, insertion, vie quotidienne. Toutes les questions et problématiques sont prises en compte par les membres de l’ADEPF.
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Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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