Le Solar Hôtel : hôtel économique, écologique et militant au cœur de Paris
En 2010, Voyageons-autrement présentait le Solar Hôtel, premier hôtel écologique, économique et militant à Paris, alors nominé aux Trophées du Tourisme Responsable organisés par voyages-sncf.com (lire l’article). L’établissement a finalement remporté ce Trophée, dans la catégorie Hébergement responsable, petite structure.
Rencontre avec son fondateur, Franck Laval, hôtelier indépendant plus que jamais engagé.
Concrètement, quelles évolutions pour le Solar Hôtel depuis votre victoire aux Trophées du Tourisme Responsable ?
Franck Laval
Depuis l’obtention du Trophée du Tourisme Responsable, nous avons accéléré le processus d’économie d’énergie et de sensibilisation : des aménagements supplémentaires ont été réalisés, la signalétique a été améliorée… De petites actions, qui, mises bout à bout, renforcent encore le volet écologique de Solar Hôtel.
Notre engagement militant s’est également développé, avec notamment l’hébergement du siège social de Sea Shepherd Conservation Society (SSCS), une organisation internationale à but non lucratif de conservation de la faune et de la flore marines, dont l’un des fondateurs, le Capitaine Paul Watson, est actuellement recherché par Interpol dans le cadre de son engagement militant. Le Solar Hôtel n’est pas qu’une adresse de siège social : l’ONG y a des bureaux, dans lesquels ses membres se réunissent régulièrement. Le Solar Hôtel est une entreprise militante : cela signifie qu’un de ses objectifs est de soutenir concrètement des ONG à but non commercial, ici, dans le domaine de la protection de l’environnement. La recherche du profit maximal n’est pas le moteur de son activité, contrairement aux entreprises « classiques ».
Par ailleurs, mon projet de lancer la première école hôtelière écologique n’a pas abouti pour l’instant, malgré les démarches d’association que j’ai engagées avec une école hôtelière. L’idée de lancer les « Solar Taxi » a quant à elle bien avancé : chauffeurs et véhicules électriques, financements… L’objectif est d’offrir un service de taxis électriques à la clientèle du Solar Hôtel et d’autres collègues hôteliers partenaires. J’ai obtenu le soutien de la mairie et de nombreuses personnalités. Malheureusement, le projet est aujourd’hui au point mort du fait de blocages administratifs au niveau du service voierie de Paris (interdiction de se garer devant l’hôtel !). Il s’agit pourtant d’un projet économique viable, que je ne désespère pas de voir aboutir.
L’ouverture d’autres Solar Hôtels fait également partie des projets : soit en rachat d’hôtels existants, soit en constructions neuves (selon des normes environnementales élevées), soit en franchise, qui serait peu coûteuse, car l’objectif n’est pas là.
Votre ambition est de voir l’hôtellerie indépendante se convertir plus massivement au développement durable : où en est-on aujourd’hui à Paris ? Quelles actions avez-vous menées en faveur de cet objectif ?
Franck Laval
Il y a 2 ans, j’ai tenté de créer un club des hôteliers d’Ile-de-France, en lien avec le Comité Régional du Tourisme. Mais le projet a dû être abandonné. Depuis 6 mois, je m’investis dans le projet de diagnostic Développement Durable lancé par l’Office de Tourisme de Paris. Le fait qu’Olivia Robert, Directrice des Partenariats et du Développement Durable à l’office de Tourisme et des Congrès de Paris, soit une ancienne responsable des Trophées du Tourisme Responsable a facilité le contact. Une trentaine d’hôteliers participent d’ores et déjà à cette opération : il s’agit d’inciter progressivement les hôteliers parisiens à adopter une démarche durable. Le Solar Hôtel est mis à disposition des hôteliers participants pour présenter les applications concrètes d’une telle démarche.
Nous sommes dans la première étape de ce programme, dont le point fort est d’être progressif : il ne s’agit pas de passer directement à l’écolabellisation, dont la démarche d’obtention est très contraignante. Les hôteliers participants ne sont pas forcément militants, ils disposent de peu de temps et doivent déjà faire face à de nombreuses contraintes, notamment administratives. Pour toutes ces raisons, conjuguées au fait que le taux de remplissage hôtelier déjà élevé à Paris n’incite pas aux efforts, les hôteliers parisiens sont bien souvent difficiles à mobiliser. L’Office de Tourisme l’a bien compris. C’est pourquoi des outils simples et non contraignants d’autodiagnostic ont été mis en place : dans un premier temps, l’objectif est de permettre aux professionnels de définir le degré de durabilité de leurs établissements. En fonction des résultats, ils peuvent signer la « Charte pour un Hébergement Durable à Paris » ou bénéficier d’un accompagnement afin de progresser et devenir signataire. Trente-cinq hôteliers sont actuellement signataires de cette Charte[1].
Pour bouger le monde de l’hôtellerie, notamment indépendante, il faut montrer que l’écologie est faite de choses simples, concrètes et génératrices d’économies : écologie ne rime pas avec dépense mais avec investissement. Une fois engagés dans la démarche, les hôteliers prennent conscience des enjeux en termes d’économies et d’image. Peu à peu, cela doit les convaincre de l’utilité de l’écologisation de leur établissement. Je sens une émulation chez les hôteliers parisiens : elle s’explique par la simplicité de la démarche, étape par étape, concrète et efficace.
A votre avis, comment faire en sorte que cette émulation se propage rapidement ?
Franck Laval
Ma conviction personnelle est que sans adapter la fiscalité, la conversion massive des hôteliers au développement durable ne se produira pas. J’ai assisté il y a un peu plus d’un an à une conférence sur l’écolabellisation : les responsables de l’Afnor annonçaient fièrement un nombre d’hôtels écolabellisés supérieur à 200, avec une croissance de + 25% sur 1 an. J’ai tout de suite pris conscience qu’on était face à un véritable problème : 200 hôtels sur les 25 000 établissements du parc hôtelier français, on était loin du compte ! A ce train-là, il faudrait 110 ans pour écolabelliser l’ensemble des hôtels ! Pour répondre aux enjeux, il faut absolument passer à d’autres proportions. Et je ne vois que l’incitation financière pour y parvenir rapidement.
Dans ce cadre, je compte lancer l’idée d’une corrélation entre écolabellisation et taxe de séjour, peut-être sur le principe du bonus-malus. La taxe de séjour représente une charge élevée pour les hôteliers. L’écolabellisation mérite une compensation, au vu des efforts fournis pour son obtention. Je pense qu’il est plus efficace d’adapter la fiscalité plutôt que de recourir aux subventions. Je compte mener ce travail avec d’autres collègues : nous ferons prochainement cette proposition dans le cadre d’une tribune dans la presse. Le principe du bonus-malus peut créer l’électrochoc nécessaire pour provoquer des changements de comportements plus rapides et nombreux. La France est le premier pays touristique au monde. L’impact de l’hôtellerie sur l’environnement est donc très important, et justifie des mesures importantes sur le secteur.
Pour finir, quelle motivation pousse votre clientèle à séjourner chez vous : est-ce le petit prix, la dimension écologique, culturelle ou militante qui constitue le critère principal de choix ?
Franck Laval
Notre clientèle est motivée aussi bien par le bas coût que par l’engagement écologique. L’aspect militant de Solar Hôtel est également déterminant : le renforcement de notre engagement militant ne nous a pas fait perdre de clientèle, contrairement à ce que certains prédisaient, mais en a fait gagner, et a même permis d’en fidéliser une partie. Les discussions qui s’engagent avec les clients sont toujours très riches, et nous ne sommes parfois pas d’accord ! Ce que nos clients apprécient avant tout, c’est que le Solar Hôtel est un lieu de vie et d’échanges.
La culture y est également à l’honneur puisque depuis 15 ans (le Solar Hôtel a été créé il y a trois ans, mais l’établissement existait déjà sous le nom de « L’hôtel des voyageurs » depuis plus de 20 ans, et avait déjà ce type de démarche, NDLR), notre établissement est ouvert aux artistes, essentiellement issus du quartier ou de cercles de connaissances des habitants du quartier : non seulement nous leur offrons la possibilité d’exposer leurs œuvres, mais nous les soutenons concrètement en mettant le lieu à leur disposition pour le développement de leur activité.
Renseignements et contacts Solar Hôtel :
SOLAR HÔTEL
22 rue Boulard
75014 Paris
T. 01 43 21 08 20
contact@solarhotel.fr
visite guidée du Solar Hôtel en vidéo
Par Sandra Bordji
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