Maroc – un écolodge sous le ciel des Aït Bougmez
C’est un nid d’aigle posé au fond de la vallée des Aït Bougmez, une tour de guet perchée à 2 200 mètres d’altitude qui permet d’embrasser d’un regard les villages alentours et les neiges des sommets. La maison d’hôte de Touda est née d’une rencontre, celle de Saïd, guide berbère de haute montagne et d’un homme de la vallée, Ali, chef du village de Zawyat Oulmzi.
Genèse d’un rêve berbère
Touda, c’est le nom de la maman de Saïd, hommage du fils berbère à sa mère qui éleva seule ses nombreux enfants pendant que le père travaillait comme maçon dans le sud de la France dans les années 70. Touda, c’est aussi la magie d’une rencontre. Quand Saïd rencontre Ali, l’idée lui vient de créer un lieu qui au-delà d’une maison d’hôtes, soit aussi l’occasion de faire connaitre la culture berbère et de favoriser les rencontres. Saïd est né dans une vallée voisine du Haut Atlas. Il connait bien la mentalité des berbères au milieu desquels il a grandi. Afin de ne pas gêner la vie de Zawyat Oulmzi, il achète un terrain un peu à l’écart, qui domine l’ensemble des maisons. Le temps d’une année, de 2007 à 2008, les ouvriers locaux montent à dos de mules les pierres de la vallée puis peu à peu, tout le matériel nécessaire pour édifier le bâtiment. Pas question de faire une route et de dénaturer les lieux.
Peu à peu, Touda émerge, issue des hommes et des ressources locales. Les murs et fondations, en pierre (azrou) et pisé (taboul), sont montés entre mars et octobre. Juste avant les froids de l’hiver, le toit en terre est posé. Dans la foulée, un chauffe-eau solaire est installé. La majeure partie du gros œuvre est local. La cheminée, splendide, a été dessinée et réalisée sur place. Quelques éléments viennent d’un peu plus loin, à l’image des enduits, de Marrakech, mélange de plâtre et de tadekakt (chaux aqueuse), donnant un rendu brillant résistant à l’eau. Le temps d’obtenir permis et autorisations nécessaires, slalom entre l’administration et inévitables bakchichs… et Touda peut ouvrir, nous sommes en 2010.
Séjourner à Touda
Aujourd’hui, la maison d’hôte comprend six chambres doubles et une triple, soit une capacité d’accueil d’environs quinze personnes. Ouverte été comme hiver, elle offre une immense terrasse qui regarde la vallée, une profonde cheminée pour les soirées hivernales et un hammam chauffé au bois. Gérée et animée par les gens du village, Touda est comme un trait d’union avec Zawyat Oulmzi qui regarde vers le ciel tout en s’habituant peu à peu à ces visiteurs invités à prolonger l’échange le temps d’un cours de cuisine avec Fatima ou d’une randonnée avec les muletiers de la vallée. Car à Touda, tout le monde s’implique et il n’est pas rare de croiser un berger ou un villageois de passage venir profiter du hammam, arroser quelques plantes ou tout simplement, fumer une petite pipe à l’orée de la terrasse en plissant les yeux vers les boules de genévriers qui égrainent la montagne d’en face.
Touda est aussi un point de départ idéal pour de nombreuses randonnées dans le Haut Atlas. Les possibilités sont nombreuses et Saïd tient un road book à disposition des visiteurs afin de les aider à tracer leurs itinéraires entre ascension du djebel Mgoun (4068 m) ou trekking à dos d’âne. Déjà, depuis la maison d’hôte, il est facile de rejoindre la crête puis les hauts plateaux où les nomades des Aït Atta passent une bonne partie de l’été avant de reprendre leur transhumance vers d’autres vallées. On se retrouve alors au milieu de paysages presque lunaires, entre moutons, chèvres, dromadaires, jusqu’au lac Izourar dont la terre craquelé dessine des géographies imaginaires.
Labels et engagements
Labellisé Clef Verte, Touda se veut aussi une maison pensée et gérée de façon exemplaire. Les déchets sont triés : les épluchures données aux animaux, le verre amené à Marrakech, la ferraille entièrement récupérée par des biffins puis recyclées. Evidemment, on fait attention à l’eau et à l’électricité avec un équipement choisi : chauffage au gaz, cheminée, chasses d’eau à double vitesse, chauffe-eau solaire et aussi, peut être à l’avenir, l’installation d’une éolienne. Enfin, c’est le principe de base, le lieu est animé par les locaux, avec le souci de faire travailler au maximum les berbères du village et de la vallée.
Alors, ne vient pas à Touda qui veut. Saïd tient à avoir un contact téléphonique avec tout futur résident. Il explique sa démarche, incite les visiteurs à avoir des contacts avec les villageois (échanges, attention, apport de vêtements, etc.). L’ambiance s’en ressent. Les clients sont principalement français ou hollandais, (partenariat avec Hannibal Reizen – agence de tourisme durable) mais viennent aussi d’un peu partout, magie du bouche à oreille. Les échanges fusent donc et les rencontres vont bien au-delà de la Berbèrie. Ballade du corps et de l’esprit, Touda nous invite à nous élever, vers les montagnes, certes, qui nous tendent les bras, mais aussi vers d’autres cultures, d’autres imaginaires, d’autres regards.
EN SAVOIR PLUS
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Said MARGHADI
Chemin de Montfollet.
38530. Chapareillan
http://www.touda.fr/Maroc_pratiques.a_79
http://www.touda.fr/accueil.html
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- L'arracheur de dents des Aït Bougmez
Par Geneviève Clastres
Auteur et journaliste indépendante spécialisée sur le tourisme durable et le monde chinois, Geneviève Clastres est également interprète et représentante de l'artiste chinois Li Kunwu. Collaborations régulières : Radio France, Voyageons-Autrement.com, Monde Diplomatique, Guide vert Michelin, TV5Monde, etc. Dernier ouvrage "Dix ans de tourisme durable". Conférences et cours réguliers sur le tourisme durable pour de nombreuses universités et écoles.
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