One Chaï, le blog à contre-courant de Laurent
Le monde est vaste, mais une très grande proportion des voyageurs se concentre trop souvent au sein des mêmes quelques destinations. Laurent voyage régulièrement dans des régions du monde qui ne sont pas toujours les plus touristiques et essaye modestement de donner l’envie à d’autres de s’essayer à cet ailleurs. Les amoureux de l’Inde auront sans doute reconnu dans le nom de son blog, One Chaï, un clin d’œil à ce pays et à la boisson nationale, le thé. En effet, en 2000 Laurent était parti pour une année entière de vadrouille avec son sac sur le dos de la France jusqu’au Laos par voie terrestre, un sacré aventurier!
Une anecdote de voyage liée aux problématiques de tourisme durable ?
Laurent : « Quand je suis allé à Madagascar, j’avais eu une longue discussion avec un habitant à Ambalavao. Ce monsieur m’exposait sa vision du tourisme. Ambalavao n’en voit pas passer des milliers, mais le parc de l’Andringitra et la vallée du Tsaranoro attirent tout de même quelques Occidentaux.
Évidemment, ça crée quelques emplois pour héberger ces touristes, les restaurer et les guider. Mais lui était, comme trop de monde à Madagascar, sans emploi. Donc non seulement cet argent du tourisme n’atterrissait pas vraiment dans sa poche, mais du fait de la disparité béante entre le contenu du porte-monnaie d’un Occidental et celui d’un Malgache, l’inflation sur certains produits était plus que palpable. Le touriste est prêt à payer le poulet ou le régime de bananes plus cher, ce qui profite certes au commerçant, mais pénalise les autres habitants, car pour eux aussi, ces produits finissent par augmenter.
Ce monsieur n’avait pas la moindre acrimonie à mon égard ou à l’égard des autres touristes, mais il m’expliquait simplement son quotidien, fait de bricoles pour survivre.
Le tourisme restant peu important à Amalavao, ses effets non désirés sont moindres, mais on imagine sans peine que si l’on transpose cet exemple à une destination ultra fréquentée. Les problèmes induits par cette affluence sont décuplés au centuple.«
Ta définition du tourisme responsable ?
Laurent : « Un tourisme plus responsable se doit d’être un tourisme qui se fond autant que possible dans la vie locale. Pour y arriver, il doit rester minoritaire au sein d’une communauté. Un pays peut accueillir de nombreux touristes, là n’est pas tant le problème, mais s’ils se rendent tous aux mêmes endroits, ça pose de nombreux problèmes. Comme illustré par l’exemple de Madagascar, cette manne financière qui arrive crée un profond déséquilibre dans l’économie locale et le plus souvent de manière bien trop soudaine. Certes, ça apporte des emplois, mais également des tensions. Ceux qui ne bénéficient pas de ces emplois subissent le contrecoup de cette « invasion », à savoir une inflation galopante pour certains biens et une incompréhension culturelle face à un mode de vie parfois très différent et jugé envahissant.
D’un autre côté, un nombre réduit de touristes peut-être bénéfique à tout le monde, y compris les touristes qui n’arrivent plus alors en territoire conquis, mais en invité.
Bref, il est souhaitable de nous faire le plus discrets, le moins invasif possible. Il y a là bien évidemment une part d’utopie, car quand bien même j’arriverais seul quelque part, même si je voyage avec peu de moyens, je serai toujours à juste titre aux yeux des locaux un riche occidental. Impossible de se départir complètement de ça, mais on peut essayer en partie.
En prenant le temps, en étant moins superficiel dans notre manière de voyager, on laisse des souvenirs de rencontre aux personnes que l’on a croisées. C’est vrai pour nous comme pour elles. Or une rencontre est sans doute plus propice à une meilleure compréhension qu’un simple porte-monnaie sur pattes.«
Et à travers ton rôle de blogueur-voyageur ?
Laurent : « À l’heure des vols à bas coût, on l’oublie un peu trop vite, mais l’avion est un mode de transport bien trop dispendieux en termes énergétiques. Et comme les énergies propres pour l’aérien, ça n’existe pas, c’est à utiliser avec parcimonie. Pas toujours évident de voyager sans avion, mais nous pouvons tout de même réduire la casse.
Plutôt que de sans cesse partir à droite à gauche, je limite le nombre de mes voyages en ne partant jamais pour moins d’un mois. Si c’est incontournable, j’emprunte un vol long-courrier pour me rendre sur place, mais une fois arrivé, pas de vols intérieurs. Quand c’est possible, je ne prends même pas du tout l’avion. Je suis ainsi allé au Maroc en ferry depuis Sètes, en Chine en train depuis Paris via la Russie et le Kazakhstan ou encore au Bénin en cargo depuis Anvers.
Éviter au maximum l’avion a du reste toujours été mon leitmotiv, même avant que j’ai pris conscience de la gabegie énergétique que constituait ce mode de transport. En 2000, j’étais parti en voyage pour un an et avais déjà fait le choix de ne pas prendre l’avion. J’étais alors parti jusqu’au Laos depuis la France par voie terrestre, en bus et en train. L’avion et son mode « téléportation » ne m’a jamais plu. Il nous envoie à l’autre bout du monde en annihilant toute notion de distance. Or la distance et l’espace, ce sont des choses pour moi essentielles en voyage. Vouloir aller à Delhi ou à Cotonou en un claquement de doigts n’a aucun sens. Delhi et Cotonou ne seraient pas ce qu’elles sont si elles étaient à nos portes.
Une fois sur place, je loge soit dans des petites structures très simples dédiées au tourisme, soit dans des hôtels ordinaires où dorment les locaux. Le confort m’indiffère, et loger dans un hôtel de standing avec piscine et tout ce qui s’en suit n’est pas forcément la meilleure solution pour apparaître une fois de plus autrement que sous les traits d’un portefeuille ambulant.
Plus généralement, un voyage ne devrait pas être une accumulation d’expériences sur une liste où on les cocherait les unes après les autres. Un voyage est un tout, une période durant laquelle on a pris du bon temps. Ça peut-être durant deux semaines ou un an, peu importe. Mais nul besoin de rentrer avec une liste de trophées, de choses accomplies. À quoi bon cette énumération quand au bout du compte, le voyage se suffit à lui-même ? Le concept du voyageur « consommateur » d’une suite d’expériences comme cette idée de liste de choses à accomplir durant sa vie m’échappe un peu pour être honnête.
Ne pas prendre l’avion une fois sur place nous force d’ailleurs à sortir un peu de ce mode du touriste consommateur. La contrainte de continuité territoriale fait que l’on visite des régions que l’on aurait autrement ignorées. Nous ne sommes plus uniquement un consommateur d’expériences entre deux vols. Nous voyageons, ni plus ni moins. C’est généralement ce que l’on revendique d’ailleurs non ?
J’essaye également de faire la promotion de régions un peu trop oubliées. Arrêtons de croire que la moitié de notre planète serait dangereuse, rien n’est moins faux. Contrairement à ce que pense beaucoup de monde, le monde n’a jamais été aussi sûr qu’aujourd’hui, alors explorons-le, partout ! Promotion à titre très personnel puisque je ne noue pas de partenariats. Ce blog est avant tout un loisir et un espace d’écriture. Il n’a pas pour le moment vocation pour l’instant à être autre chose. Et dans la mesure où c’est justement dans ces régions que j’aime voyager, je pourrais difficilement faire autrement. »
D’autres blogs de voyage à nous recommander ?
Laurent :
- Ania et Charles de 100 Pied à Terre sont rentrées depuis peu d’un tour du monde dans lequel ils ont eu l’idée complètement exubérante d’inclure le contient africain. Vous l’aurez compris, que l’Afrique soit pour ainsi dire systématiquement mise à l’index m’agace. Le voyage durable, c’est aussi le voyage qui n’oublie pas la moitié du monde. Et puis Ania et Charles nous content merveilleusement bien leurs voyages, sans la moindre esbroufe.
- Astrid de Histoires de Tongs voyage en stop. En terme de transports durables, on peut difficilement faire mieux. Là encore, sa manière de voyager et ses récits respirent la sincérité. C’est important la sincérité, et certains acteurs du voyage l’oublient un peu trop vite.
- Mariette et Quentin de Shoes your Path ont suivi le Mékong à pied depuis sa source dans le Qinghai en Chine jusqu’à son delta au Vietnam. 2500 km à pied sur les 4350 km que compte ce fleuve, on peut raisonnablement appeler ça voyager au plus près des populations.
Un grand merci à Laurent !
———— ALLER + LOIN ————
Nous vous invitons à consulter le blog de Laurent : www.onechai.fr
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Par Florie Thielin
Florie Thielin fait partie du collectif de voyageurs-rédacteurs-journalistes de Voyageons-Autrement. Elle accompagne aussi des professionnels du tourisme dans leur stratégie marketing et digitale. Originaire d'un petit village dans la vallée de la Loire, elle vit aujourd'hui à Lyon. Elle a aussi vécu en Russie, Allemagne, Nouvelle Zélande et Espagne. Mais sa plus grande aventure fut en Amérique Latine où elle a sillonné les routes de 16 pays, de Cancun au Cap Horn, pendant près de deux ans. Elle troquait alors ses compétences en marketing pour le gite et le couvert, tout en réalisant des interviews-vidéos sur le tourisme plus responsable avec ses amis d'Hopineo. Elle a aussi mis à jour le guide de voyage du Petit Futé Nicaragua-Honduras-Salvador.
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3 réponses à One Chaï, le blog à contre-courant de Laurent
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Comme d’habitude, reflexionnant, habitant, humanisant. Un bel exemple à suivre.
Merci Laurent !
On adore sa vison des choses : tout est dans le vrai ;)
Tellement juste! Bien vu!